Le Héron au long bec
A l'instar d'autres espèces - telle le cormoran - le héron cendré ne cesse de susciter des passions !
Toujours considéré comme un redoutable destructeur de poissons par certains pêcheurs, cet oiseau piscivore, revient de loin...
N'en déplaise à ses détracteurs, le régime alimentaire du héron - dont la préférence va certes au poisson - est cependant un tantinet plus éclectique (1). Certaines théories faussement scientifiques n'en continuent pas moins de nier l'évidence et pronent toujours la destruction de l'espèce ! Pourtant, la protection dont bénéficient actuellement les hérons, a été chérement acquise et n'est intervenue que relativement récemment (1976), au terme de centaines de rapports, d'études, de comptages... et de multiples campagnes de sensibilisation !
Comme quoi, il est bien plus facile d'exterminer que de protéger.
Bref, après avoir longtemps figuré sur la liste des animaux "nuisibles", après un passage parmi les espèces "gibiers", après avoir en outre subit toutes les persécutions imaginables... Notre échassier peut enfin jouir d'une relative quiétude !
D'ailleurs, le miracle de la nature ne tarda pas à se produire : dès lors que les fusils se turent, on assista à une remontée spectaculaire des effectifs et l'espèce réapparut en des régions d'où elle avait été totalement éliminée...
Cette "renaissance", il faut bien le reconnaître, est intervenue in extrémis et résulte d'un travail acharné de bon nombre de naturalistes.
Rien cependant ne semble jamais acquit et les campagnes successives d'hostilité tant envers les cormorans qu'envers les hérons, témoignent de la fragilité toute relative d'un statut que l'on aurait pu croire indéfectible !
Cet état de fait démontre une certaine méconnaissance du rôle qui incombe à chaque maillon de la chaîne alimentaire ou, tout au moins, à la nécessité qu'éprouvent d'aucuns à désigner un bouc émissaire : il est en effet plus facile d'accuser un oiseau de la raréfaction des poissons que de s'attaquer aux sources de certains problèmes (pollutions diverses, endiguements, recalibrages, pêche immodérée...).
Ces accusations sont d'autant plus injustes qu'il est largement prouvé que les prédations effectuées constituent un impact relativement négligeable comparé aux autres causes de mortalité des poissons !
Cela ne signifie nullement que certaines nuisances soient purement imaginaires mais, celles-ci concernent principalement les piscicultures et, dans ces cas-là, certaines protections (2) s'avèrent très efficaces...
Le héron, tout comme chaque être de la création, a un rôle à jouer : pêcher ne constitue pas pour lui un loisir, un passe-temps... sa vie en dépend ainsi que celle de se descendance !
Ceci posé, les "destructions" imputables aux prédateurs en général, revêtent un caractère moins catégorique et, à condition que chacun y mette un peu de bonne volonté, deviennent ce qu'elles n'ont jamais cessés d'être : de simples prélèvements effectués pour la survivance des espèces !
(1) Outre l'objet du délit proprement dit (le poisson !) les hérons mangent bien volontiers des grenouilles, des crustacés, divers mollusques, des insectes... mais également, au hasard de leurs errances, des campagnols, musaraignes, etc...
(2) La mise en place de filets ou de grillages sur les bassins piscicoles - à condition toutefois qu'ils soient de faible taille - résoud généralement le problème des prélèvements effectués par les hérons et les cormorans.
Généralités
Sédentaire, le héron cendré se rencontre assez communément dans la plupart des régions pour peu qu'il dispose de ressources alimentaires en suffisance et d'un minimum de calme...
Comme la plupart des rapaces, le héron avale ses proies en entier (arrêtes ou os compris) les sucs digestifs de son estomac en arrivent rapidement à bout. Les matières non assimilables sont quant à elles rejetées sous forme de pelote de réjection !
D'instinct grégaire, le héron installe généralement son nid (une imposante cuvette de branches superposées...) au sommet d'un arbre, en bordure d'un petit bois, en compagnie de congénères : c'est la Héronnière !
Les nids sont régulièrement réparés et agrandis d'année en année ce qui, par leurs impressionnants diamètres, les fait repérer de loin.
En période de reproduction, il règne en ces lieux un vacarme assourdissant et cette agitation permanente ne cesse qu'à la tombée de la nuit...
Dès le petit jour, les querelles et pugilats entre frères et soeurs héronneaux (trois à quatre par nid) reprennent, rythmés par les allées et venues des parents qui assurent le ravitaillement : ceux-ci sont littéralement pris d'assaut à chaque retour de chasse ou de pêche et les démonstrations de force sont monnaies courantes... Résultat : ce sont régulièrement les mêmes rejetons dont l'impressionnante faim est assouvie en premier et il n'est pas rare que le dernier né de la couvée succombe de faiblesse s'il n'est pas du tout bonnement projeté par dessus bord par ses aînés...
La pêche : une technique parfaitement au point !
La méthode de pêche du héron semble parfaitement rôdé et, s'il lui arrive de rester de longs moments (parfois des heures) en affût, dans une posture d'attente absolument immobile, il ne manque pas de surprendre l'observateur par la rapidité d'action dont il sait faire preuve lorsqu'un poisson imprudent passe à portée de bec : lancé tel un harpon, celui-ci rate rarement sa victime qui est prestement avalée... Si le poisson est trop gros pour être englouti tout entier, l'échassier regagne la terre ferme où il dépèce tranquillement son butin !
Par Jean-Louis SCHMITT
Paru dans l'Info Ried 1999 / 1