Voyager grâce aux graines
Si beaucoup d'animaux sont capables de s'adapter rapidement à une modification du milieu ou de gagner un espace plus adapté à leurs besoins, il en est tout autrement des plantes. Dès que s'est ancrée la première racine, les déplacements des espèces terrestres deviennent impossibles, sinon par reproduction végétative, dans un rayon très limité.
Comment pallier, à long terme, à ce manque de mobilité ? Si une espèce végétale ne peut bouger elle-même, le meilleur moyen de coloniser un milieu plus favorable est d'y faire parvenir ses graines. Ainsi les saules blancs et les peupliers noirs, incapables de pousser à l'ombre de leurs aînés, produisent des milliers de semences et confient au vent le soin de les déposer, en temps voulu, sur les bancs des gravier décapés par la crue.
C'est aussi le vent qui fait voler la graine-hélicoptère des érables, l'ailette des frênes, les confettis des ormes, le duvet des typhas, les spores impalpables des fougères, des mousses, des champignons.
Pour d'autres saules descendus des Alpes suisses, l'eau s'est associée au vent pour mener l'émigrant à bon port. Les balsamines possèdent des graines plus grosses, mieux pourvues en réserves nutritives, que celles des saules. Ce poids supplémentaire exclut tout transport par le vent. Pour assurer l'expansion de l'espèce, elles sont dotées d'un système très efficace. Il suffit le moment venu, d'effleurer les capsules, aux parois gorgées d'eau, de la balsamine "ne-me-touche-pas" ou de ses deux cousines importées d'origine asiatique, pour qu'une véritable exposition projette les semences (jusqu'à 5 m pour la balsamine de l'Himalaya).
Pour augmenter la distance de dispersion des graines, beaucoup de plantes ont recours aux animaux. Mammifères (noisettes cachées par l'écureuil, pommes sauvages), fourmis (graines huileuses des violettes et des lamiers) et même limaces (ronces) et poissons (potamots) sont mis à contribution.
Les pattes des canards, le pelage des sangliers et des chevreuils, les semelles des chaussures s'avèrent d'excellents moyens de transports pour les fructifications nanties de crochets (gratteron, myosotis, bardane).
Les oiseauxx abondants en forêt rhénane, sont indirectement, les plus efficaces des auxiliaires. Ils consomment la plupart des fruits du sous-bois, avec une préférence marquée par les couleurs noires et rouges. Or le mûrissement de la majorité des baies, marqué par le passage du vert au rouge ou au noir, coïncide exactement avec la maturation des graines qu'elles abritent.
Si la consommation du fruit entraîne, parfois, la mort de la graine, elle est très souvent favorable, voire même nécessaire à la germination.
Il a été établi que 85 % des graines ayant transité par le tube digestif d'une grive musicienne gardaient leur pouvoir germinatif et que les aubépines germaient beaucoup plus vite après ingestion des semences par les oiseaux.
Extrait de "FORETS DU RHIN, Guide des réserves naturelles rhénanes"
Par Gérard LACOUMETTE
Edité par le Conservatoire des Sites Alsaciens
Paru dans l'Info Ried 1997 / 1