Protégeons les dernières forêts primaires
Vierges de toute perturbation humain depuis des millénaires, les forêts primaires ont évolué jusqu'à nos jours avec comme unique "forestier" la nature.
D'une richesse unique en espèces animales et végétales, elles sont devenues les derniers sanctuaires de nombreuses espèces disparues partout ailleurs en raison des activités humaines. A ce titre, elles ont une valeur inestimable et représentent un patrimoine de l'humanité à protéger à tout prix.
Malheureusement, même si l'on retrouve aujourd'hui des forêts primaires partout dans le monde, elles sont exclusivement rares et menacées de disparition à court terme (une cinquantaine d'années pour l'immence Amazonie !).
Pour nos forêts tempérées (en Europe, dans l'Est des Etats Unis et au Nord de l'extrême Orient), elles n'existent plus qu'à l'état de reliquat de quelques hectares et ont été presque totalement remplacées par des forêts artificielles, transformées par l'homme selon sa conception toute particulière d'une nature productive et contrôlable (monoculture, futaie régulière, utilisation d'engrais, aménagements touristiques...).
En Sibérie, en Scandinavie, au Canada existent par contre encore d'immenses massifs de conifères (les forêts boréales) préservés des activités humaines. Elles sont cependant actuellement exploitées de manière intensive par les compagnies forestières et les forêts sibériennes sont également très abîmées par les pluis acides. Des peuples comme les Sâmes ou les Lapons de Scandinavie et de Russie ne peuvent plus vivre des ressources de la forêt et sont contraints d'abandonner leur mode de vie de nomades chasseurs et cueilleurs et de se sédentariser. Ils perdent ainsi leur identité, leur culture et ce sont des connaissances uniques sur la forêt et son utilisation rationnelle et durable qui disparaissent à jamais.
Les forêts sèches que l'on retrouve au niveau des tropiques notamment en Inde et au Brésil ont aujourd'hui quasiment disparues et bon nombre se sont transformées en savanes arbustives suite aux brûlis et défrichement intensifs. Bordant les côtes marécageuses des régions tropicales et subtropicales, des Antilles jusqu'à l'Australie, les forêts mangroves ne sont plus représentées à l'état primaire que par quelques îlots qui sont particulièrement fragiles et menacés par les activités humaines (aménagements touristiques, pollution).
Ces forêts ont pourtant une importance capitale dans la protection des côtes contre l'érosion et les racines sous-marines des arbres (en majorité des palétuviers) sont de véritables nurseries pour de nombreuses espèces de poissons et de crustacés.
Les forêts tropicales humides d'Amazonies représentent aujourd'hui réellement les derniers grands espaces de forêts primaires et les derniers espoirs de protéger l'écosystème terrestre le plus riche et le plus diversifié. Ne recouvrant que 7 % de la surface des terres ces forêts abritent ainsi plus de la moitié de l'ensemble des espèces animales et végétales. Parmi toutes ces espèces, seule une infime partie est connue. Certaines ont permis à l'homme de se nourrir (abricots, pommes de terre, manioc, bananes, oranges, etc...) ou de se soigner (la quinine contre la malaria, la pervenche contre certaines leucémies... plus d'un quart des médicaments prescrits aux USA sont dérivés de plantes de forêts tropicales!). Peut être que sur les 50 espèces qui disparaissent chaque jour à cause des activités humaines se trouve le remède contre le sida ou le cancer ?
La forêt tropicale est aussi l'espace vital des peuples comme les Yanomani en Amazonie, les Pygmées en Afrique ou encore les Pénans d'Indonésie (et pour combien de temps encore ?) les héritiers uniques de savoirs ancestraux sur les ressources forestières et toutes ces connaissances pourraient nous etre fort utiles.
Au rythme actuel de la déforestation, les forêts humides d'Afrique auront quasiment disparu d'ici une dizaine d'années et l'Amazonie d'ici une cinquantaine d'année ! Aujourd'hui nous perdons environ 50000 hectares par jour de forêts tropicales : toutes les 1,5 secondes, la surface d'un terrain de football disparait. Dans les pays en développement, la perte des surfaces forestières entre 1980 et 1995 est estimée à plus de trois fois la surface de la France ! La déforestation des forêts tropicales libère chaque année dans l'atmosphère 1 à 2 milliards de tonnes de CO2 stocké dans le bois et les sols, soit 20 % des émissions mondiales de ce gaz à effet de serre ! Selon l'organisation des nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), l'augmentation des surfaces agricoles est la principale cause de déforestation. Vient ensuite l'exploitation forestière intensive pratiquée principalement par de grandes multinationales étrangères (souvent françaises) dans les pays dont ils pillent les ressources.
Face à ce terrible massacre et la disparition programmée des derniers espaces de forêts primaires dans le monde, toute personne sensibilisée se doit de réagir en commençant tout simplement par boycotter les bois exotiques. Il faut privilégier les bois de nos régions car il n'existe aucune application pour laquelle ils ne conviennent pas ! Demandez aux commerants, aux ébénistes, aux commerces de meubles, une déclaration volontaire (l'espèce et l'origine du bois) sur leurs produits. Apprenez à reconnaître les bois tropicaux, ces bois n'ont pas de cernes annuels (à l'exception du Teck) et ils sont dépourvus de noeuds.
Un renoncement donne la chance d'exploiter les forêts de manière durable et de les conserver. Des études montrent ainsi qu'une utilisation alternative des produits issus de la forêt (fruits, gibiers, plantes médicinales, épices, gommes... mais également développement de l'écotourisme) valent beaucoup plus que le bois utilisé. Pourquoi ne pas s'inspirer des connaissances inestimables des peuples qui vivent de la forêt, en harmonie avec elles pour développer ces alternatives et freiner ainsi l'inexorable disparition des forêts primaires.
Vous pouvez également agir auprès de vos élus pour que votre commune renonce à l'utilisation de bois exotiques.
Texte de Julien ENGEL
Info Ried 2002 / 1